Si l’inflammation est une réponse normale de l’organisme face à une agression, chimique, toxique, traumatique ou microbienne, il arrive parfois qu’elle se prolonge et persiste, de manière injustifiée. L’inflammation devient alors chronique. Ce dysfonctionnement du système immunitaire est à l’origine d’une grande variété de pathologies : les maladies inflammatoires chroniques (MIC). Ces maladies, qui affectent particulièrement l’état de santé du patient et sont souvent invalidantes, peuvent se déclarer à tout âge et nécessitent une prise en charge médicale.
Qu'est-ce qu'une maladie inflammatoire ?
Une maladie inflammatoire chronique (MIC) est une condition pathologique caractérisée par une inflammation persistante d’un ou plusieurs organes. Il s’agit d’une réponse immunitaire excessive ou inappropriée de l’organisme pouvant toucher et endommager de nombreux organes et tissus tels que le système digestif, le système nerveux, l’épiderme, les articulations, les muscles, etc. On en distingue généralement deux types : les maladies auto-immunes et les maladies auto-inflammatoires.
Comment se déclenche une inflammation ?
En présence d’un agent pathogène (bactéries, virus, champignons, parasites), d’une lésion des tissus (brûlures, plaies, blessures) ou de stimuli dangereux (produits chimiques ou toxiques), le système immunitaire s’active et libère ce que l’on appelle des médiateurs de l’inflammation*, chargés de faire affluer d’autres cellules, qui agiront en « renfort », vers la zone agressée. Cette réaction naturelle de l’organisme permet d’éliminer les éléments pathogènes et d’amorcer le processus de guérison. Une fois la menace écartée, l’inflammation s’arrête. On parle alors d’inflammation aigüe.
Mais lorsque le système immunitaire n’est pas correctement régulé, la réponse de l’organisme peut être excessive et persister, même en l‘absence d’agression. L’inflammation est alors dite chronique et engendre des complications.
*Molécules impliquées dans la régulation du processus inflammatoire, telles que les lymphocytes, monocytes, plaquettes, mastocytes, etc.
Maladies inflammatoires : quels sont les symptômes ?
Les symptômes varient en fonction de la nature et de la localisation de l’inflammation, mais la fatigue constante est généralement un dénominateur commun, l'inflammation persistante épuisant l'organisme. Des symptômes plus spécifiques peuvent donc apparaître :
- Troubles rénaux, hépatiques ou neurologiques.
- Rougeurs.
- Raideurs et gonflements des articulations.
- Douleurs abdominales et pelviennes, parfois insupportables. Notamment durant les règles ou les rapports sexuels, dans le cas de l’endométriose.
- Douleurs articulaires, musculaires, abdominales.
- Éruptions cutanées, intolérance au soleil.
- Troubles gastro-intestinaux, perte d’appétit et de poids. Notamment dans le cas de la maladie de Crohn ou de la rectocolite hémorragique.
- Difficultés respiratoires.
- Fièvre.
Maladies auto-immunes et inflammatoires, quelles différences ?
Les maladies auto-immunes forment un ensemble constitué de maladies inflammatoires chroniques. Elles se distinguent toutefois dans leur mécanisme sous-jacent, par le fait que le système immunitaire s’attaque anormalement aux tissus sains de l’organisme et non à des agents pathogènes comme dans le cas des autres inflammations chroniques. Elles impliquent parfois la production d’auto-anticorps, des anticorps dirigés contre les propres constituants du « soi », qui ne sont pas présents dans les maladies auto-inflammatoires.
Les principales maladies inflammatoires
Les MIC englobent une grande variété de conditions pathologiques qui évoluent généralement par poussées avec des périodes de rémission (sans symptômes). On distingue principalement celles qui affectent les articulations et celles qui touchent le système digestif ou le système nerveux.
Les maladies inflammatoires de l'intestin
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) regroupent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Elles se manifestent par une alternance de poussées, avec un risque de complications sévères, et de phases de rémission. Dans 20 % cas, elles sont accompagnées d’une inflammation extradigestive comme l’arthrite (des articulations), le psoriasis (de la peau), les aphtes buccaux ou l’uvéite (de la partie centrale de l’œil), plus fréquentes en cas d’atteinte du côlon.
Rectocolite Hémorragique (RCH)
La rectocolite hémorragique (RCH) ou colite ulcéreuse affecte le rectum et peut s’étendre au côlon. Outre l’inflammation, elle provoque des ulcères et une fragilité de la muqueuse intestinale. Contrairement à la maladie de Crohn, elle n’atteint pas la paroi intestinale en profondeur. Elle est généralement caractérisée par une diarrhée hémorragique, des rectorragies (émissions de sang par l’anus), des douleurs abdominales, un besoin urgent d’aller à la selle, de la fatigue, une perte d’appétit et parfois de la fièvre.
Maladie de Crohn
La maladie de Crohn (MC) peut toucher un ou plusieurs segments du tube digestif (de l’œsophage au rectum), mais concerne le plus souvent l’intestin grêle et le côlon. Elle entraîne une inflammation et un épaississement de la paroi intestinale, des ulcères et, plus rarement, des fissures et perforations. Les symptômes révélateurs sont généralement des diarrhées, des rectorragies, des douleurs abdominales ou anales, une perte d’appétit.
Les maladies inflammatoires rhumatologiques et articulaires
Il s’agit de maladies inflammatoires chroniques qui touchent les articulations et parfois le rachis (colonne vertébrale). En principe, elles se manifestent par des douleurs articulaires plus intenses la nuit et le matin au réveil que le soir ou en journée lorsque le corps est en activité, des gonflements et des raideurs articulaires ou rachidiennes.
La polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie inflammatoire chronique qui affecte les articulations, en particulier des mains, des poignets et des pieds. Cette maladie auto-immune se caractérise par l’inflammation de la membrane synoviale des articulations, une membrane qui tapisse tous les tissus unissant les extrémités osseuses (ligaments, tendons, capsules). Elle entraîne une déformation articulaire et peut détruire progressivement les tendons. Plus rarement, elle touche d’autres tissus et des organes comme le cœur ou les poumons.
La spondylarthrite ankylosante
La spondylarthrite ankylosante atteint les articulations situées entre l’extrémité de la colonne vertébrale et le bassin (articulations sacro-iliaques), et de la région lombaire. Elle provoque progressivement la dégradation des articulations touchées, l’ossification et l’enraidissement de la colonne vertébrale (ankylose). Il s’agit également d’une maladie auto-immune.
Le rhumatisme psoriasique
Le rhumatisme psoriasique est une autre maladie auto-immune qui se traduit par une inflammation des articulations, tendons et ligaments. Dans sa forme dite « axiale », elle touche la colonne vertébrale, les articulations lombaires, de la région du bassin ou du thorax. Dans sa forme dite « articulaire périphérique », elle est localisée au niveau des genoux, des hanches, des épaules, des doigts ou des orteils. Il s’agit de la forme la plus fréquente. Elle peut également atteindre les talons et les coudes. Dans 80 % des cas, elle est observée chez des personnes qui souffrent de psoriasis, une maladie inflammatoire chronique de la peau.
Les maladies inflammatoires neurologiques
Ces affections peuvent atteindre différentes parties du système nerveux. On peut citer l’encéphalite auto-immune, la sclérose en plaques et la neuromyélite optique qui touchent le système nerveux central, le syndrome de Guillain-Barré et la polyneuropathie inflammatoire démyélinisante qui affectent les nerfs périphériques, la myasthénie qui atteint les muscles ou la myélite transverse qui affecte la moelle épinière.
La sclérose en plaques
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique du système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Dans cette maladie auto-immune, le système immunitaire s’attaque à la myéline, la gaine qui protège l’axone des nerfs, ainsi qu’aux cellules qui la produisent et y provoque des lésions, appelées plaques. Ces lésions sont le siège d’une inflammation entraînant une démyélinisation et des perturbations motrices, sensitives, cognitives et visuelles, notamment.
On en distingue trois formes. La forme récurrente-rémittente est la plus courante et représente 85 % des cas de SEP. La maladie évolue par poussées aiguës peu fréquentes avec des périodes de rémission complète ou partielle qui peuvent durer plusieurs mois, voire années. La forme secondairement progressive apparaît 5 à 20 ans après le début des symptômes. La maladie évolue alors progressivement, les poussées disparaissent. La troisième forme, primaire progressive, représente 15 % des cas de SEP. Elle progresse dès l’apparition des symptômes, sans périodes de rémission.
La myasthénie
La myasthénie est une maladie auto-immune rare liée à la production d’auto-anticorps responsables d’un dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire (entre le nerf et le muscle). Dans ce cas, les auto-anticorps bloquent les récepteurs de l’acétylcholine (RACh), un neurotransmetteur nécessaire à la transmission du signal nerveux moteur, au niveau de la jonction neuromusculaire, et engendrent une faiblesse musculaire qui peut être variable. Elle se manifeste généralement par un ptosis (affaissement anormal de la paupière supérieure) ou une diplopie (vision double), mais peut atteindre les muscles contrôlant la respiration et la déglutition.
La neuromyélite optique
La neuromyélite optique (NMO) ou maladie de Devic est une maladie auto-immune rare qui se manifeste par une inflammation démyélinisante du système nerveux central. Elle touche le nerf optique et peut également affecter la moelle épinière. Elle évolue également par poussées dont les symptômes peuvent comprendre une névrite optique (inflammation du nerf optique) pouvant entraîner une perte de la vision, une myélite (paralysie partielle ou complète des membres avec douleur ou picotements dans la nuque, le dos, l’abdomen ou le dos), des nausées prolongées, vomissements ou hoquets.
La maladie inflammatoire pelvienne
La maladie inflammatoire pelvienne (MIP), généralement causée par des bactéries transmises lors des rapports sexuels (chlamydia, gonorrhée) peut toucher simultanément ou successivement un ou plusieurs organes reproducteurs féminins supérieurs : col (cervicite), muqueuse utérine (endométrite), trompes de Fallope (salpingite) et ovaires (ovarite). Elle est fréquente chez la femme de moins de 35 ans, mais rare avant le premier cycle menstruel, après la ménopause et pendant la grossesse. Elle peut donner lieu à de nombreuses complications telles que la stérilité, une douleur abdominale ou pelvienne chronique, la grossesse extra-utérine, etc.
Si elle ne fait pas partie des MIP, l’endométriose est également une maladie inflammatoire chronique gynécologique et touche une femme sur 10. Elle est caractérisée par la présence anormale de tissu endométrial (recouvrant la paroi utérine) en dehors de l’utérus. Ces tissus possèdent les mêmes caractéristiques que celles de la muqueuse utérine et se comportent de la même manière. Sous l’action des estrogènes (hormones ovariennes), ils prolifèrent et saignent, provoquant de fortes douleurs, notamment durant la période de règle et les rapports sexuels.
Les autres maladies inflammatoires
Il existe bien d’autres pathologies faisant partie des MIC et pouvant affecter la peau (psoriasis, dermatite atopique, maladie de Verneuil ou hidradénite suppurée), les vaisseaux sanguins (maladie de Behçet), plusieurs organes, on parle alors de maladies systémiques (lupus érythémateux systémique), mais aussi le foie (hépatite auto-immune) ou la thyroïde (thyroïdite de Hashimoto).
Prise en charge et traitements
La prise en charge du patient atteint d’une maladie inflammatoire chronique doit permettre de conserver une qualité de vie optimale, notamment en prévenant les complications, en atténuant les symptômes et en lui apportant un soutien psychologique.
Un traitement par médicaments lui est généralement prescrit par le professionnel de santé en fonction de la pathologie et des manifestations cliniques. De manière générale, ce traitement vise à réduire l’inflammation et/ou l’activité du système immunitaire (traitement anti-inflammatoire, traitement immunomodulateur ou immunosuppresseur). Dans certains cas, une intervention chirurgicale peut être nécessaire (maladies inflammatoires de l’intestin ou des articulations, par exemple).
Le rôle de l'alimentation
Une alimentation saine, diversifiée et équilibrée peut jouer un rôle important dans la prévention et la diminution des symptômes de ces maladies, en réduisant l’inflammation, en soutenant le microbiote (les micro-organismes de notre système digestif) et le système immunitaire.
Il est recommandé de privilégier les fruits, légumes et poissons et de réduire les aliments qui peuvent induire ou exacerber l’inflammation (aliments dits « pro-inflammatoires ») comme la viande rouge, la charcuterie, les sucres raffinés, les produits transformés ou les boissons alcoolisées.
Outre le rôle de l’alimentation, l’activité physique, l’arrêt du tabac et la gestion du stress sont également essentiels.